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Souvenirs d’un soldat des guerres napoléoniennes

Nombreux sont les maréchaux et généraux de la Révolution et de l’Empire à nous avoir transmis leurs souvenirs de guerre : mémoires des maréchaux Masséna et Suchet, des généraux Marbot et Rapp, souvenirs du général Lejeune, etc. Plus rares sont les souvenirs de simples soldats. Certains sont pourtant fameux et très connus.

Les mémoires d’un soldat des guerres napoléoniennes.
Les mémoires d’un soldat des guerres napoléoniennes.

(Arch. dép. du Loiret, 1 J 1696)

Les "Cahiers du capitaine Jean-Roch Coignet" (édités en 1883) retracent le parcours de ce conscrit de l’Yonne sous la Révolution devenu capitaine de la garde impériale. Les "Mémoires du sergent Bourgogne" (publiés en 1910) sont un témoignage poignant de la campagne de Russie (1812).

 

Les Archives départementales du Loiret possèdent l’un de ces carnets de souvenirs, source si précieuse pour la connaissance de la vie des soldats de cette époque.

Dans son "Carnet d’étapes", Philippe Beaudoin raconte son parcours de sergent-major de la 31e demi-brigade de ligne, du 4 germinal an VIII (25 mars 1800) au 5 septembre 1812.

 

Philippe Beaudoin, né le 20 juin 1775 à Batilly-en-Gâtinais, s’engage comme volontaire au 3e bataillon du Loiret le 10 septembre 1792. Il est par la suite promu caporal puis sergent de la 31e demi-brigade de ligne, avec laquelle il participe notamment à la seconde campagne d’Italie menée par Bonaparte. En germinal an VIII (mars 1800), son régiment est affecté à l’Armée de l’Ouest. C’est là que commence son récit.

Il traverse le Poitou, la Vendée, dont il décrit les blessures et destructions ainsi que la peur du "chouan", puis la Bretagne et ses populations "sauvages", avant d’arriver à Brest. Il y demeure jusqu’à son embarquement pour l’expédition de Saint-Domingue le 3 prairial an X (23 mai 1802). Il participe ainsi à la campagne de répression féroce de la révolte des esclaves menés par Toussaint Louverture. Après l’évacuation de l’île par les troupes françaises, il est capturé par deux fois par la flotte britannique à Cuba en décembre 1803 et mai 1804. Il est fait prisonnier et envoyé à Belfast, puis transféré à Greenlaw, dans le sud de l’Ecosse. Face à l’afflux de prisonniers dans la petite bourgade écossaise, le sergent Beaudoin est transféré en 1809 sur l’un des pontons britanniques* , aux conditions de vie effroyables, à Chatham. Beaudoin simule alors une maladie pour tenter d’en sortir. Il parvient à être évacué vers la France en juin 1812, époque à laquelle il est débarqué à Morlaix puis à Brest.

Il obtient finalement son congé de l’armée, "usé par les fatigues de la guerre" (c’est là que s’arrête son récit), et revient s’installer à Batilly-en-Gâtinais où il termine ses jours. Il décède le 25 février 1864 à l’âge de 89 ans.

 

Ce carnet est notamment un témoignage exceptionnel sur l’expédition de Saint-Domingue et sur les conditions de détention dans les geôles britanniques pendant les guerres napoléoniennes. Il est aussi original de par le parcours extraordinaire de cet humble Gâtinais.

 

Ces souvenirs ont fait l’objet d’une publication imprimée par Albert Depréaux dans la revue d’histoire militaire "Les carnets de la Sabretache" en 1909. Celui-ci y donne notamment une biographie de Philippe Beaudoin et un bref descriptif de son parcours de soldat.

Le texte, publié dans sa quasi-totalité, a néanmoins été censuré par A. Depréaux, qui en a volontairement écarté certains passages. Ainsi une anecdote en date du 20 décembre 1811, où Philippe Beaudoin raconte comment il a refusé une proposition à caractère homosexuel de la part d’un autre prisonnier. S’ensuit une altercation puis un duel au cours duquel l’auteur de la proposition est blessé.

Cette anecdote, pour le moins piquante, n’a pas manqué de susciter la désapprobation de l’historien du début du XXe siècle… Elle se révèle, a contrario, tout à fait intéressante au regard des problématiques historiographiques du XXIe siècle.

 

*Anciens vaisseaux de la marine reconvertis en prisons.

Arch. dép. du Loiret, 1 J 1696
Arch. dép. du Loiret, 1 J 1696

Date de modification : 5 avril 2013

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